Brise ou tempête

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A l’heure de me mettre à rédiger cette chronique, il s’est passé et il se passe des choses. Les attentats du 22 mars dernier, pour commencer, dont l’impact sur l’opinion aura été à la mesure de la forfaiture et du crime. Il reste à persévérer sur la voie qui s’oppose à toute forme de stigmatisations et amalgames; la sinistre manifestation des petites têtes footeuses et fascistes devant la foule recueillie devant la Bourse, le dimanche qui a suivi le mardi funeste, est la parfaite illustration de ce que à quoi nous devons à toute force résister. A ce propos, on aura pu apprécier la manière, plus que douteuse, avec laquelle les forces de police – sous les ordres de l’ineffable commissaire Vandersmissen ont mené les opérations ce jour-là. Et comment, également, quelques jours après et au même endroit, les mêmes policiers et leur chef aux premières loges, ont entrepris de «nettoyer» les lieux des dangereux gauchistes qui s’étaient rassemblés sur les marches de la bourse. Les nombreuses images prises par les chaînes de télévisions et les particuliers, largement diffusées sur les réseaux sociaux, parlent d’elles-mêmes. Et on observera, pour finir, que ces deux événements auront, une fois encore, mis en lumière l’incompétence et l’hypocrisie crasses de nos chers élus. Mais de cela, comme du reste, on s’habitue. Tout comme nous est devenue familière la présence des braves ploucs et de nos policiers en armes, dans nos rues et sur nos places; quant à l’effet que cette présence a pu avoir sur les menées des bombes humaines, nul besoin de s’y appesantir. 

Maintenant et par ailleurs, c’est avec jubilation et enthousiasme que beaucoup d’entre nous, lecteurs en ce compris, auront suivi la surprenante et bienvenue poussée de fièvre qui a gagné l’hexagone ces temps derniers. Contre le projet d’une loi scélérate, les lycéens, étudiants, travailleurs, chômeurs, mal logés et autres précaires de toutes sortes sont descendus en masse dans les rues des grandes villes de France, quadrillées par d’innombrables forces de gendarmerie, de polices et autres CRS qui, ici et là, ont fait montre d’une violence parfaitement gratuite et disproportionnée à l’encontre de jeunes protestataires pour lesquels ces manifestations étaient en quelque sorte un baptême du feu; ils s’en souviendront. Mais ce qui est enthousiasmant et remarquable, ce sont les suites de ces journées de protestation où l’on a vu fleurir, place de la République, à Paris et dans quelques villes de France et d’ailleurs, de ces assemblées ouvertes de citoyens de toutes origines et convictions, remettant au goût du jour le fameux bavardage universel par lequel seulement les idées, des plus folles aux plus raisonnables, sont débattues, en dehors de toute forme de contrainte ou de mot d’ordre. Où l’on voit, enfin! resurgir la parole libre, jusqu’ici tenue sous le boisseau par le discours officiel d’élites politiques toujours plus dramatiquement éloignées des réalités que vivent les citoyens. Il y a, derrière ce que d’aucuns qualifient de puéril ou d’infantile, la manifestation claire de ce dont «les gens» ne veulent plus et qu’ils supportent depuis trop longtemps : ce mépris affiché à leur endroit par les politiques menées partout ; et par ceux qui les incarnent. En un mot comme en cent, ce qui se dit là c’est, simplement : CELA SUFFIT! 

Les semaines qui viendront à la suite de la rédaction de tout ceci, diront ce qu’il sera advenu de ce mouvement. Ou bien il se sera structuré et fédéré, aura été en s’amplifiant, menant, peut-être, à de surprenantes et multiples initiatives, donnant naissance à un vaste et irrépressible sursaut et, qui sait, à l’éclosion d’un de ces printemps dont l’Histoire témoigne. Ou bien, tristement, il nous faudra mettre, une fois encore, nos rêves en veilleuse et il ne se sera agi que d’un feu de paille que, soit la répression politico-policière, soit le découragement et l’amertume, auront eu vite fait d’éteindre. On ne doutera pas de ce que l’auteur de ces lignes, témoin abasourdi et heureux du beau mois de mai 1968, attend et espère le plus de cette alternative. 

Pour le reste, on se souviendra des annonces à l’esbroufe de Bismuth-Sarkozy et des promesses de l’actuel locataire de l’Élysée concernant les paradis fiscaux qui, après avoir été durement menacés et frappés par l’un comme par l’autre, sont réapparus récemment avec fracas à la feinte stupéfaction de la classe politique et des organes de presse. On le savait et on le sait de plus en plus – le monde de la finance va son chemin sans rencontrer d’obstacle d’aucune sorte. Et la suite qui sera donnée à cette affaire risque bien de décevoir ou même, mieux, scandaliser une part grandissante de la population, à laquelle il apparaît de plus en plus clairement que, très strictement, à propos de tout et de longue date, «on se fout de sa gueule»

Jean-Pierre L Collignon 

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