Nicolas Sarkozy et Didier Reynders, une longue histoire…

Le 27 mars 2013, Nicolas Sarkozy venait à Bruxelles remettre la légion d’honneur à son ami Didier Reynders. Le Français avait déjà à l’époque quelques soucis avec la justice. Il venait en effet d’être mis en examen dans l’affaire Bettencourt, du nom de cette multimilliardaire dont la fille se demandait si sa mère n’était pas sous influence, victime de l’ancien maire de Neuilly.

Personne ne se doute que l’ancien président de la République française a fait financer sa campagne électorale de 2007 par un des plus grand soutiens du terrorisme, « le guide de la révolution libyenne », Kadhafi. Personne ne sait non plus qu’à ce moment-là Didier Reynders dépose tous les mois entre 8 et 10.000 euros d’argent en liquide sur son compte ING. Il est alors totalement couvert par sa banque. Dans le conseil d’administration de celle-ci, siège son vieil ami Luc Bertrand. Cet homme d’affaire anversois, patron du groupe Ackermans Van Haaren, a sans nul doute beaucoup d’influence…

Le jour de la cérémonie, on note la présence dans la salle d’Armand De Decker, fidèle parmi les fidèles du ministre des Affaires étrangères. Ce dernier ne sait pas que dans deux ans, le Canard Enchaîné va dévoiler son implication dans le scandale du Kazakhgate et que son ami Didier va l’utiliser comme fusible. Il a reçu 740.000 euros comme avocat dans cette affaire alors qu’il ne pratique plus depuis plus de dix ans…

On retrouve aussi à cette cérémonie la princesse Léa, également bénéficiaire d’une libéralité de 25.000 euros dans le même dossier.

Fortis

Lorsqu’on lui demande la raison de cette remise de décoration prestigieuse, Reynders évoque du bout des lèvres l’affaire Fortis. Il a été le meilleur avocat de la reprise de la banque belge Fortis, en grande difficulté, par le géant français BNP. Certes, il n’est pas responsable de la dégringolade de Fortis ! Mais il est un des architectes de sa reprise à vil prix par le géant français. En un mot comme en 100, Reynders a vendu la Belgique à la France de Sarkozy.

Kazakhgate

On peut résumer cette affaire très complexe comme ceci : la société belge Tractebel a payé d’importantes commissions occultes à trois anciens du KGB pour obtenir un contrat de centrales électriques au Kazakhstan. Le contrat ne sera jamais signé. La justice belge poursuit les trois proches du président Kazakh mais ce dernier obtient de Nicolas Sarkozy, grâce à d’importants contrats d’armes, qu’il magouille avec ses amis Didier Reynders et Armand De Decker pour qu’ils fassent bénéficier le trio kazakh d’une transaction pénale. Le trio paye une amende et l’action pénale s’éteint en Belgique. Lorsque le scandale éclate, c’est Armand De Decker qui prend le choc frontal: il décédera en 2019, just in time politique pour Didier Reynders, la justice belge décrétant la fin des poursuites.

Fontinoy et Guéant

Sarko comme Reynders sont des personnes exposées politiquement (PEP). Il leur faut donc à chacun un exécuteur des basses œuvres. Pour le plus jeune patron de la SNCB, ce sera Jean-Claude Fontinoy alors que l’ancien ministre de l’Intérieur français va se rabattre sur l’austère Claude Guéant. Ces deux hommes liges se connaissent très bien.

Alors que Guéant essuie les plâtres dans l’affaire du financement de la campagne de Sarkozy, Fontinoy se gausse dans Vers l’Avenir des mésaventures de son ancien patron(1).

Albert Frère

Si un homme symbolise les liens entre Sarko et Reynders, c’est bien le milliardaire carolo. Marco Van Hees dans son livre, « L’homme qui parle à l’oreille des riches », décrit les liens très étroits qui lient Frère et Reynders : 

« Reynders s’entend tellement bien avec Frère que celui-ci l’invite avec son épouse à la somptueuse villa qu’il possède à Marrakech. Le ministre est aussi un grand ami de Nicolas Sarkozy, président français de 2007 à 2012. Et Albert Frère entretient lui-même une liaison de longue date avec l’homme politique français. Ce dernier, s’il n’est pas le seul président de la république à avoir des démêlées avec la justice, est celui qui traînera le plus de casseroles judiciaires et le seul qui sera condamné à de la prison ferme. Cela situe quelque peu le trio maléfique Frère-Reynders-Sarkozy »…

Par ailleurs, la maison, ou plutôt la propriété principale de Didier Reynders à Burdinne, dans le hameau de Vissoul, appartenait à Gérard Lamarche, le bras droit d’Albert Frère.

La filière artistique et Olivier Theunissen

Le parquet financier a démonté avec une minutie implacable l’utilisation de deux petits tableaux hollandais du 17ième siècle pour blanchir environ un demi-million d’euros provenant de Libye et destiné à Claude guéant(2). Cette méthode de blanchiment aurait été utilisée à outrance par Reynders et Fontinoy. Ce dernier hantait littéralement le sablon où sont principal port d’attache était la boutique d’Olivier Theunissen. Ce que moins de gens savent, c’est qu’il y eu des achats croisés entre Sarko et Reynders et que Theunissen comme Fontinoy étaient très fréquemment à Paris. Lorsque les limiers de la section « trafic d’objets d’art » de la police judiciaire se sont rendu compte du manège, Reynders était assez puissant que pour obtenir la dissolution de ce service.

Kairos avait déjà souligné le fait que Theunissen avait été décoré par deux fois par Didier Reynders, sans aucune raison valable (Chevalier de l’Ordre de la Couronne le 8 mai 2012 et Chevalier de l’Ordre de Leopold le 21 décembre 2018). Didier Reynders aime bien récompenser ses serviteurs des mauvais coups. La presse flamande vient de l’épingler pour avoir fait nommer baron son officier traitant pour le compte des services russes et chinois, Ernest de Laminne(3).

La libye, pays de cocagne

Si Nicolas Sarkozy semble en mauvaise posture dans son dossier libyen, il n’en va pas de même pour Didier Reynders qui une fois de plus a fait porter le chapeau par quelqu’un d’autre. C’est un obscur fonctionnaire de la trésorerie, du nom de Marc Monbaliu qui a prétendu qu’il avait dégelé un milliard et demi d’intérêts libyens détenus par la banque Euroclear. Ces fonds avaient été consignés par l’ONU pour éviter de financer la guerre civile qui règne dans ce pays depuis la mort de Kadhafi(4). Reynders a réussi à passer à travers les gouttes concernant ses manœuvres pour empêcher le Prince Laurent de récupérer la créance que son Asbl avait sur l’État libyen. Il en va de même pour les trafics d’armes que certains l’accusent d’avoir organisé dans ce pays.

Squarcini et les pieds nickelés de la Sûreté

Il faut dire qu’il a réussi à noyauter la Sûreté de l’État en y plaçant à la direction un membre de son cabinet, un certain Hugues Brulin. Il avait déjà fait fort en s’arrangeant pour qu’un de ses anciens attachés parlementaires dirige le pilier contre-espionnage. C’est bien utile quand vous côtoyez Ernest de Laminne…

Sarkozy avait fait pareil en supprimant la DST et les renseignements généraux pour créer la DCRI, dirigé par un fidèle, Bernard Squarcini.

En conclusion, notre justice semble bien clémente vis-à-vis de notre ancien Commissaire européen à la Justice… Sarkozy est dans la tourmente avec toute son équipe alors que Jean-Claude Fontinoy se demande pourquoi il serait perquisitionné ! Pourtant les deux équipes ont travaillé ensemble. On retrouve les mêmes méthodes : corruptions, associations de malfaiteurs, modelage de l’État à des fins personnelles, morts suspectes et j’en passe…

Comme Al Capone, tombé pour fraude fiscale, Didier Reynders est pour le moment juste inquiété pour avoir un million d’argent sale sur ses comptes.

Personne ne semble lui poser la bonne question : D’où vient-il ?

Notes et références
  1. « Jean-Claude Fontinoy, l’ex-bras droit de Didier Reynders, sort du silence : « Je suis triste pour lui » ». L’ancien président de la SNCB et homme de confiance de Reynders, se dit « surpris » de l’affaire qui éclabousse son mentor. « Moi ? Non, je ne suis pas convoqué à la police. Je vais bien, je vis tranquille. Sud Info, 18/12/2024.
  2. Le Monde, « Procès Sarkozy-Kadgafi : l’affaire des tableaux de Claude Guéant et l’argent libyen. » 20/02/2025.
  3. « Ernest de Laminne de Bex, gastheer van adel, dedijfsleiders en … », Humo, 18/03/2025.
  4. « Fonctionnaire à l’origine du dégel des fonds libyens : » On a l’impression que j’ai pris cette décision tout seul », RTBF, 8/11/2018.

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