La Cour constitutionnelle et la 5G : le développement technologique prime sur la protection de la santé et de l’environnement

Les procédures et les arrêts de la Cour

C’est en 2023, à l’initiative du Collectif stop5G.be, que deux recours en annulation avaient été déposés devant la Cour constitutionnelle, à l’encontre de textes de loi ouvrant la voie au déploiement de la 5G. Ces textes établissaient de nouvelles normes de protection contre les radiations de radiofréquence nettement plus permissives que les normes antérieures. (1)

Ces recours ont été déposés au nom des asbl GRAPPE et AREHS (2) ainsi que de personnes privées :

  • Le premier en juin 2023, contre décret de la Région wallonne du 8 décembre 2022.
  • Le deuxième en octobre 2023, contre l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 mars 2023.

Les deux arrêts qui clôturent les procédures rejettent les recours introduits. Ils apportent néanmoins des précisions intéressantes sur plusieurs points.(3)

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité tant des associations que des personnes privées, la Cour ne formule aucune objection, ce qui confirme l’accessibilité de cette juridiction à des associations de citoyens qui défendent les droits de la protection de la santé et de l’environnement.

Sur le fond

Sur le fond, la Cour observe que le décret wallon modifie les critères applicables relatifs à la valeur maximale de la norme d’immission (pollution au niveau du récepteur). Cette modification constitue un recul par rapport au régime, plus sévère, établi par la réglementation antérieure. La Cour constate cependant que les nouvelles normes restent largement plus restrictives que les normes communément retenues par les experts (dont l’ICNIRP, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants).(4)

En conséquence, la Cour considère que le législateur wallon n’a méconnu ni le principe de précaution ni les dispositions constitutionnelles relatives à la protection d’un environnement sain. Elle considère également que la Région wallonne est tenue de se conformer au programme européen en matière de déploiement de la technologie 5G dans les états membres. Le législateur avait, en d’autres termes, selon la Cour, fort peu de latitude pour refuser l’assouplissement des normes pouvant entraver ce déploiement.

En ce qui concerne l’ordonnance bruxelloise, le raisonnement est, à peu de chose près, le même : la Cour retient que l’assouplissement des normes n’enfreint pas le principe de précaution et les dispositions constitutionnelles dans la mesure où les éléments scientifiques de référence retenus par le législateur bruxellois démontrent que les nouvelles normes restent largement plus restrictives que les limites retenues par l’ICNIRP. La cour rappelle également les engagements européens auxquels la Région doit donner suite pour assurer le déploiement de la 5G.

Dépassement des limites de protection

Pour l’ordonnance bruxelloise, la Cour précise encore dans son arrêt que, en cas d’urgence, la dérogation aux limites fixées ne s’applique que dans des « circonstances exceptionnelles » qui présentent les caractéristiques d’un cas de « force majeure ». Dans cette mesure, la dérogation n’enfreint pas l’équilibre entre les droits fondamentaux concernés : la limitation des « risques pour l’environnement et la santé » en cas de crise majeure nécessitant une gestion à l’échelon national justifie qu’il soit ponctuellement admis de dépasser les limites prescrites.

Que retenir de ces deux arrêts ?

Sur la recevabilité, la jurisprudence favorable aux associations de défense de la santé et de l’environnement se confirme ; elle est désormais bien verrouillée et ne devrait pas connaître de modification à l’avenir.

Sur le fond, le principal intérêt de ces procédures a été de forcer la Cour à examiner dans le détail les justifications présentées par les législateurs régionaux pour la mise en place de nouvelles normes moins exigeantes que les normes préexistantes.

Nous retiendrons que les limites de protections retenues sont émises par des institutions et des organismes nationaux et internationaux, dont il est établi qu’ils sont encore et toujours aux ordres de l’industrie des télécommunications, quelles qu’en soient les conséquences.(5)

Au-delà des questions strictement scientifiques, nous retenons que le dossier reste finalement essentiellement politique : l’assouplissement des normes n’a d’autre objectif, avoué, que de permettre le déploiement de la 5G programmé au niveau européen et déclaré indispensable au développement économique de l’Union.

La position de la Cour convainc les idéologues qui ne peuvent imaginer d’avenir sans accélération de la course technologique, au détriment des évidences environnementales et de la santé des populations.

Nous sommes aux antipodes d’une telle vision, et nous continuerons à œuvrer pour une prise de conscience politique des réalités catastrophiques qui résultent de ce délire technologique.

Contact

  • Denis Brusselmans, avocat, 04 98 221 951 
  • Francis Leboutte, porte-parole du Collectif stop5G.be, 04 388 39 19

Notes et références
  1. Voir Les limites de protection dans les trois Régions de Belgique : www.electrosmog.be/limites-de-protection
  2. GRAPPE : Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique (www.grappebelgique.org). AREHS : Association pour la Reconnaissance de l’Electrohypersensibilité (www.arehs.be).
  3. Nos deux recours et les deux arrêts : www.stop5G.be/fr/doc/BE/Recours/5G-RW-RB-2023/
  4. Selon la Cour, les nouvelles normes « restent largement en dessous des normes recommandées sur le plan international et sur le plan européen ». En réalité, la nouvelle limite de protection wallonne est très proche de celle de l’ICNIRP, ne lui étant que 5 fois inférieure, alors qu’elle est 400 000 fois supérieure à la recommandation moyenne des experts indépendants, pour les fréquences allant de 2 à 300 GHz (donc pour la nouvelle bande de fréquence de la 5G de 3,5 GHz). Il en va de même pour la limite de protection bruxelloise (seulement 8 fois moins que l’ICNIRP mais 250 000 fois la limite des experts indépendants).
  5. Voir www.electrosmog.be/#ICNIRP

Espace membre