Géo-ingénierie : les racines philosophiques

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« Préserver l’environnement, c’est d’abord admettre que la nature n’a besoin ni de nos connaissances, ni de nos techniques, ni même de nos vies pour exister(1). »Christian Godin, 2012. Tout phénomène a sa généalogie. Le but du philosophe-historien(2) est de la reconstituer, en rappelant le passé pour éclairer le présent et, dans une certaine mesure, l’avenir. On dit/lit souvent que la volonté de dominer la nature est apparue avec la modernité, et définitivement installée un peu plus tard avec la révolution industrielle. Avant d’y revenir, constatons que ce programme de maîtrise semble être né bien plus tôt. Il serait inhérent à l’hominisation. Pour conserver un avantage adaptatif sur les autres espèces, l’être humain s’est montré, dès le paléolithique, enclin à, pour ne pas dire avide, d’exploiter son milieu naturel, d’abord par la chasse et la cueillette, plus tard par l’agriculture et l’élevage. Un prédateur par ess …
Notes et références
  1. Christian Godin, La haine de la nature, Champ Vallon, 2012, p. 76.
  2. Je considère comme essentielle cette interdisciplinarité-là. Chez les philosophes, s’intéresser à l’histoire est courant – Hannah Arendt et Michel Foucault en étant les archétypes au XXe siècle –, mais l’inverse est beaucoup plus rare. La majorité des historiens ne goûtent guère à la spéculation intellectuelle
et veulent s’en tenir strictement aux faits, ce qui finit par rétrécir leur pensée, enfermée dans le positivisme. Il y a heureusement des exceptions, comme Lewis Mumford jadis, Timothy Mitchell, François Jarrige, Christophe Bonneuil et JeanBaptiste Fressoz aujourd’hui.
  3. Cité in Jean-Claude Liaudet, Le complexe d’Ubu ou la névrose libérale, éd. Fayard, 2004, p. 137.
  4. Cf. Hans Jonas, Le principe responsabilité, Flammarion, 1990 (première édition en 1979).
  5. Selon l’historien Lynn White (1907–1987), la science moderne est une sorte d’extrapolation de la théologie naturelle occidentale. In Dominique Bourg & Alain Papaux, Dictionnaire de la pensée écologique, PUF, 2015, p. 850.
  6. Cf. Olivier Rey, Quand le monde s’est fait nombre, Stock, 2016.
  7. Nanotechnologie, biotechnologie, informatique et neuroscience.
  8. Ippolita, Internet, l’illusion démocratique, La Différence, 2017, p. 132. Cf. également Marius Blouin, De la technocratie. La classe puissante à l’ère technologique, Service compris, 2023 : « […] la technocratie est la classe du savoir, de l’avoir et du pouvoir. », p. 9.
  9. Cf. La technique ou l’enjeu du siècle, Armand Colin, 1954 et L’obsolescence de l’homme [Die Antiquiertheit des Menschen 1. Über die Seele im Zeitalter der zweiten industriellen Revolution], C. H. Beck, 1956.
  10. Le philosophe Dominique Bourg distingue l’anthropocentrisme d’immersion dans la nature (Aristote) de l’anthropocentrisme d’arrachement (la démiurgie). Nous considérons ici la seconde acception.
  11. « Mêlant données scientifiques, décisions politiques, enjeux économiques,
ces objets hybrides [Tchernobyl, OGM, sida, amiante, sang contaminé, vache folle, problèmes environnementaux globaux, pollutions chimiques] sont venus questionner l’évidence du progrès. » In Jacques Testart, Agnès Sinaï, Catherine Bourgain, Labo planète, ou comment 2030 se prépare sans les citoyens, Les Mille et Une Nuits, 2011, p. 129.
  12. Cf. Christian Godin, op. cit.
13. Anne Dalsuet, Philosophie et écologie, Gallimard, 2010, p. 117.

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