LA CIGALE GARDIN ET LA FOURMI HORVILLEUR?

L’excellente humoriste de gauche Blanche Gardin soutient les Palestiniens, dénonce les exactions du gouvernement israélien et c’est très bien. Son soutien va-t-il aussi loin que celui de LFI, pour qui tous les blancs sont des colonisateurs, mais qui à part cela sont antiracistes et anti-amalgame ? Il semblerait bien que ce soit le cas, mais ce n’est pas le sujet. Elle s’est déclarée solidaire du collectif Tsedek!, Collectif juif décolonial qui rédige ses articles en écriture dite inclusive (« Juif·ve·s et décoloniaux·ales ») qui lutte donc contre la colonisation mais aussi contre le « racisme d’État », donc à bonne distance spatiale et/ou temporelle de ses ennemis désignés ou imaginaires.

Ce soutien a valu à Blanche Gardin des attaques qui lui ont inspiré un duo humoristique avec « l’humouriste » (le mot est de lui) Aymeric Lompret. Le point de départ de ce sketch assez amusant est une sorte de réunion des AA : les antisémites anonymes. Car la question se pose de savoir : aujourd’hui qui n’est pas potentiellement antisémite ? Je ne donne pas la réponse, réfléchissez, c’est facile.

Il n’en a donc pas fallu davantage pour qu’une certaine Elishéva Gottfarstein se fende d’une vidéo crispante de treize minutes dans laquelle elle fait la leçon à Blanche Gardin, et donc à tout le monde. Soit dit en passant, elle s’exprime sur un site, Akadem, qui pratique l’amalgame et dont les titres de vidéos récentes sont : L’antisionisme est l’antisémitisme des gens vertueux et Tsedek – Neturei Karta, les Juifs préférés des antisémites ou encore cette fanfaronnade paradoxale : Plus français que les français, les ancêtres juifs de Zemmour

Réquisitoire contre Blanche Gardin


Les citations qui suivent résument l’esprit du sermon d’Elishéva Gottfarstein: 

« Les instrumentalisations de l’antisémitisme, (comme celle que pratique le criminel de guerre Nétanyahu N.D.A.) ne peuvent être dénoncées que si une lutte radicale contre la haine anti-juive est menée dans le même temps ». 

À cela, je me permettrai de répondre : Blanche Gardin fait ce qu’elle veut. 

« …combattre l’instrumentalisation sans combattre l’antisémitisme ne fait que renforcer la solitude et la fragilité des juifs. Entendre que la haine dont il sont la cible ne mérite que des ricanements accroît leur sentiment d’insécurité et leur isolement. »

 Quand Elishéva Gottfarstein parle de « la solitude et la fragilité des juifs », je ne peux que me demander si elle parle d’êtres imaginaires ? Se peut-il que les juifs dont elle parle n’aient aucun accès aux médias grand public ? Il ne faut pas exclure que des juifs soient sujets à des hallucinations car après tout, ils sont humains. Mais humains comme les autres, des gens comme Elishéva Gottfarstein le concèderaient-ils ? Nieraient-ils la notion d’élection ? 
Comme si elle voulait porter atteinte à l’image de Blanche Gardin, Elishéva Gottfarstein affirme que celle-ci dans le fameux sketch avec Aymeric Lompret, « ricane de la haine dont les juifs sont la cible ».

En réalité, Blanche Gardin raille la haine dont sont la cible ceux qui ne s’identifient pas assez (et ce n’est jamais assez) avec le point de vue imposé par le gouvernement israélien. Cette haine s’exprime en toute impunité par une des nombreuses calomnies qui ont cours dans l’arène médiatique(1) : « antisémite ». Ce mot infiniment élastique vise toute critique désagréable portant de près ou de loin sur tel aspect du judaïsme ou sur telle personne d’origine ou de confession juive (parfois même si la critique ne porte pas sur la judéité de la personne en question). Rappelons au passage que les ashkénazes, qui constituent entre 75 et 85 % de la population juive mondiale, ne sont pas sémites. Et que les Palestiniens, eux, le sont (appartenant à une population qui parle une langue sémitique). 

Les propos de Blanche Gardin empêchent, continue Gottfarstein, « de nombreux civils sionistes(2) à (sic) manifester leur soutien envers les civils palestiniens… » Les « civils sionistes » dont elle parle peuvent-ils être si impressionnables ? Blague à part, cette hyper-responsabilité exigée de la part des goys (non juifs) n’est-elle pas exorbitante ? Les uns sont-ils responsables de la pusillanimité des autres ? 
Elishéva Gottfarstein reprend Blanche Gardin qui dénonce le sionisme comme « projet criminel et colonialiste » : non, ce serait « un projet émancipateur pour les juifs ». Mais l’un n’empêche-t-il l’autre ? Les deux verdicts énoncent tout simplement la même réalité de deux points de vue différents. 

En conclusion, Blanche Gardin est accusée de « dieudonnite ». Rappelons que Dieudonné est devenu persona non grata à la télévision pour avoir dénoncé les débordements fanatiques – et aujourd’hui sanguinaires – qu’est en train de subir le peuple palestinien : civils, hommes, femmes, enfants. Depuis ses prises de position Blanche Gardin constate que le cinéma lui a totalement tourné le dos. Blacklistée, victime d’ostracisme professionnel, blessée, en détresse, elle s’est adressée le 12 mars via Facebook au rabbin Delphine Horvilleur, personnalité qu’elle admire, et qui avait relayé, et donc entièrement approuvé la vidéo de Gottfarstein. Elle a peut-être manqué de discernement. C’est parfois le lot des personnes honnêtes… 

Dans sa lettre, elle a la naïveté de préciser que : 

«  l’antisémitisme à travers des actes ou des propos constitue un délit, et que par conséquent si j’avais eu des propos antisémites comme tant de gens semblent le désirer si fort, il suffirait de porter plainte contre moi et je devrai me rendre au tribunal. »  

Si « l’antisémitisme » ou « l’incitation à la haine raciale » sont des délits, c’est précisément parce qu’ils sont si peu définis qu’ils permettent de condamner quiconque gêne le pouvoir. La loi était censée punir des actes. En réprimant des crimes de pensée, elle rend impossible aux accusés de prouver leur innocence. Et c’est d’ailleurs à cela qu’elle sert. Le droit, la loi et la justice sont des choses distinctes. 
Delphine Horvilleur qui se dit antisioniste(3), n’a pas gardé les cochons avec les goys qui se disent antisionistes. Elle prend d’ailleurs Blanche Gardin d’assez haut dans sa réponse, feignant de ne pas comprendre que les commentaires de Gottfarstein soient jugés diffamatoires par l’humoriste blessée. Or Gottfarstein, lors d’un mini épisode de paranoïa psychiatrisante, dit Blanche Gardin atteinte de « Dieudonnite ». Dieudonné est bien placé pour savoir ce que la critique par l’humour de certaines dérives fanatiques peut vous coûter. 

« vous m’affirmez, répond Delphine Horvilleur, que vous n’êtes pas antisémite du tout, […] là n’est absolument pas le problème. 

La question aujourd’hui n’est pas de savoir qui est antisémite, qui ne l’est pas du tout ou rien qu’un peu, mais qui, dans son discours, ses actes, ses alliances ou ses silences promeut ou nourrit cette haine? (a) Mettre en avant une instrumentalisation de l’antisémitisme par des Juifs sans jamais rappeler avec force la terrible réalité dans notre pays de cette haine qui a tué des enfants, menacé physiquement tant d’autres et pousse de milliers de citoyens à vivre cachés ou dans la peur… (b) Ne pas percevoir combien votre parole – qui n’est pas antisémite © – crée de désinhibition d’autres paroles tout à fait antisémites qui inondent vos commentaires, et ma messagerie. (d) […] Toute critique d’un gouvernement ou d’une politique est légitime (et souvent essentielle), sur la base de la reconnaissance évidente du droit de l’autre à exister. La lutte essentielle pour les droits des Palestiniens, pour rester pleinement légitime, ne doit tolérer aucune rhétorique à relent antisémite. Suggérer que les Juifs (e) instrumentalisent leur douleur (f) l’exagèrent ou la “provoquent” eux-mêmes est insupportable, comme l’est de leur dire qu’on ne les soutiendra que (je vous cite) s’il “refusent de se laisser embastillés (sic) dans le projet sioniste”, c’est-à-dire s’ils refusent l’idée d’un refuge territorial, au cœur d’un monde qui leur est si hostile. »

Monde si hostile, précisons-le, sans nier d’ailleurs que les juifs aient été persécutés tout au long de l’histoire, que seule une minorité de juifs souhaite vivre en Israël. 

a. Delphine Horvilleur nous prendrait-elle pour des surhommes ? Des surfemmes ? 


b. L’exemple d’un peuple vivant aujourd’hui dans la terreur est peut-être choisi aujourd’hui avec une certaine maladresse. 


c. Cette concession peut sembler de bon augure. La suite montre que ce n’est pas une concession puisqu’il s’agit d’intérioriser un agent de police de la pensée. 

d. … mais au fait : qui est responsable de cette situation ? Une petite humoriste française ou un chef d’État sanguinaire ?

e. C’est Delphine Horvilleur qui généralise et insinue que Blanche Gardin accuse les juifs d’instrumentaliser leur douleur.

f. Norman Finkelstein dénonce cette instrumentalisation dans son livre L’industrie de Holocauste. C’est peut-être insupportable… mais est-ce vrai ? 

Contrairement à des personnalités juives comme Michelle Sibony, Ronny Brauman ou Jacob Cohen, je ne vois ni Élishéva Gottfarstein ni Delphine Horvilleur s’élever contre le génocide qui a lieu en Palestine. Elles jugent préférable au contraire de prélever toujours plus de gages de lutte contre l’antisémitisme… Et de s’occuper de ce que la situation en Palestine fait à leur communauté. Ce qui se passe est comme d’habitude prétexte à culpabiliser les goys que nous sommes, alors que s’il fallait trouver un responsable de cet « antisémitisme », c’est plutôt du côté du gouvernement israélien qu’il faudrait le chercher.
Blanche Gardin s’était pourtant exprimée clairement : 

« la seule façon de lutter contre l’antisémitisme est de lutter contre tous les suprémacismes ethno-religieux, et donc de s’opposer aujourd’hui au régime israélien »

Elle a juste commis l’erreur de croire sa supplique adressée à la bonne personne.

Lien vidéo d’Élishéva Gottfarstein :

www.youtube.com/watch?v=00T_LMmEzWs&ab_channel=Akadem

Réponse de Delphine Horvilleur :

tenoua.org/2025/03/13/delphine-horvilleur-repond-a-blanche-gardin

Notes et références

  1. Tels que : fasciste, raciste, homophobe, islamophobe, complotiste, antivax, etc. armes absolues du langage qui visent à empêcher tout échange civilisé. La criminalisation de l’opinion est la marque de sociétés totalitaires, qui s’insinuent jusque dans nos têtes.
  2. Le sionisme est une idéologie religieuse et politique qui postule que la création d’un état juif contribue à hâter la venue du messie. Notons que le courant minoritaire ultra-orthodoxe (haredim) est antisioniste. Cela n’implique pas, cela va sans dire, que tous les autres juifs soient nécessairement sionistes.
  3. Comme « antisémite » mais dans une moindre mesure, le mot « antisioniste » est problématique. Critiquer l’action d’un gouvernement – sioniste en l’occurrence et par définition – revient-il à rejeter, à tort ou à raison, l’appareil religieux sur lequel repose l’idéologie et l’action de ce gouvernement ? La question entière est contaminée par le syndrome de la princesse au petit pois : la moindre réserve s’expose à de graves accusations.

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