La liberté, c’est Tondelier

« Ce réseau [X] doit être interdit en Europe […] Il contribuera à déstabiliser les prochaines élections. Et on sait que leur ennemi aujourd’hui, que ce soit à Poutine ou à Donald Trump, c’est la démocratie en Europe… »

Marine Tondelier, RTL, 12 janvier 2025.

« X est devenu une véritable machine de désinformation, une arme de destruction massive de la réalité factuelle et la caisse de résonance des courants d’extrême droite. »

Sandrine Rousseau, X [sic], 11 janvier 2025.

Mais quel problème a l’écologie institutionnelle avec la liberté ?

Et ce n’est pas seulement sa représentation politique : « Greenpeace France, France Nature Environnement, Emmaüs… 87 associations quittent le réseau social X » (AFP, 15 janvier 2025). La cohérence voudrait que les écologistes appellent à déserter TOUS les réseaux (a)sociaux. C’est-à-dire cette grande entreprise de débilitation collective où chacun se croit obligé de réagir à chaud à toutes les nouvelles et commentaires. Sans parler du coût écologique du numérique.

Bien entendu, ce n’est pas le cas. L’idiocratie engendrée par le système des tweets ne les dérangent absolument pas ; ce qu’ils ne supportent pas, ce sont les oligarques dont ils ne partagent pas la ligne. Bien au contraire, cette gogôche est la parfaite idiote utile du capitalisme libéral. La « Gauche moderne, analyse Jean-Claude Michéa, s’auto-définit, de façon ontologique, comme le parti du Progrès et du Mouvement, c’est-à-dire de l’Avant-garde en tout. On comprend donc pourquoi c’est presque toujours sous un pouvoir culturellement de gauche que la modernisation totale de l’École et de la vie — qui constitue, depuis le XVIIIe siècle, l’essence même du programme capitaliste — est imposée aux classes populaires avec le plus de cohérence et d’efficacité. »(1)

L’écologie institutionnelle et la gogôche dévoilent ainsi leur pulsion totalitaire. De fait, tous ces gens ne mouftent pas, et n’ont pas moufté devant la propagande des oligarques propriétaires des mass médias qui soutiennent le système de l’UE, les guerres de l’OTAN, le pass sanitaire et son injection génique expérimentale, ou encore la mise en esclavage des femmes pauvres à travers des pratiques comme la grossesse pour autrui (GPA). Bien au contraire, ils ont été les premiers censeurs du débat. Face à Elon Musk, les voilà qui s’érigent en défenseurs de la démocratie, mais c’est pour mieux en contester le fondement : la liberté d’expression. « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » soulignait Rosa Luxemburg. Un principe qu’ils nient, de surcroît hypocritement. Or, on ne tend vers la liberté qu’à travers l’échange d’arguments contradictoires. La liberté, c’est accepter ce qui dérange, ce qui heurte, à défaut c’est une fausse liberté qui nie la liberté. Jean-Claude Michéa observe que « les pétitions qu’invitaient autrefois à signer les intellectuels de gauche […] avaient presque toujours pour objectif premier – dans la grande tradition de Voltaire et de Zola – de défendre une liberté d’expression menacée par la censure officielle ou d’exiger la libération d’un innocent injustement accusé. Quand l’intellectuel de gauche – ou son double mimétique, la star “citoyenne” du showbiz – prend aujourd’hui sa plume (ou s’installe devant son ordinateur), c’est au contraire presque toujours pour exiger le renvoi, le châtiment ou l’interdiction professionnelle […] Pratique qui redonne évidemment son sens le plus littéral au célèbre concept orwellien de “police de la pensée”. »(2)

Le « discours de haine », c’est comme la mauvaise foi, c’est toujours l’autre quand on veut le faire taire. La démocratie exige l’apprentissage de l’esprit dialectique. Il va à l’encontre des réactions impulsives générées par les réseaux (a)sociaux. Cette tendance à vouloir judiciariser la vie démocratique et criminaliser ses opposants donne à penser. Cette propension à désigner comme des délits des opinions différentes est effrayante. Au-delà, ces pseudos écologistes doivent revenir à une question existentielle : quel intérêt de sauver la planète si c’est pour la transformer en gigantesque camp de rééducation ? La littérature sur les mécanismes du développement des systèmes totalitaires abonde. Mais savent-ils encore lire des livres ?

À la limite, il est préférable d’être confronté à des oligarques de plusieurs tendances qui, même si c’est superficiellement, se combattent. Le pire est de n’avoir qu’un seul son de cloche. Bien entendu, le problème essentiel demeure de s’affranchir d’un système, comme en France, ou une dizaine de milliardaires bien connus et l’État font l’opinion.

Lors de son intervention sur RTL, Mme Tondelier se livre de surcroit au chantage au suicide : « Je pense aussi à tous les jeunes qui sont victimes de campagnes de haine parce qu’ils sont, de par leur orientation sexuelle, de par leur fragilité parfois, […] on le voit il y a chaque année des enfants qui se suicident […] parce qu’ils lisent des horreurs sur leur orientation sexuelle et que on peut pas laisser faire ça… » Les psys expliquent toujours que ce chantage au suicide est un marqueur de perversité. « La transphobie est un délit » : ces politiques écolos en défense des personnes trans », titre-t-on, par exemple, sur le site du journaliste Hervé Kempf(3). Mais qu’est-ce que la « transphobie » ici ? C’est l’attention portée à des jeunes en difficulté d’identification sexuelle afin d’éviter de les pousser vers des mutilations chirurgicales irréversibles et d’en faire des malades à vie dépendants de lourds traitements chimiques. Ces gens sont les faux amis de ces jeunes. L’accusation de « transphobie » pourrait donc totalement être retournée. Sauf que ce n’est pas en psycho-pathologisant ses adversaires qu’on les fait évoluer.

Voici 6 mois, Serge Halimi et Pierre Rimbert du Monde diplomatique, s’alarmaient de cette dérive : « La censure progressiste se croit vertueuse. Appuyée sur une base sociale bourgeoise et cultivée, elle entend préserver le pays des secousses populistes qu’un électorat populaire moins instruit qu’elle pourrait favoriser. Elle associe volontiers les opinions qu’elle réprouve à un manque d’information, d’intelligence, de mesure, de nuance. […] Une telle rationalisation de l’autoritarisme se généralise quand la gauche s’apparente à un amphithéâtre d’experts plutôt qu’à un front populaire. Mais la passion d’interdire profite également de l’absence de résistance qu’elle rencontre. Confinement, couvre-feu, auto-attestation de sortie de chez soi, obligation de porter un masque, y compris seul face à la mer, passe sanitaire : nul contre-pouvoir politique, judiciaire, médiatique ne s’est dressé contre l’avalanche de mesures d’exception prises lors de la pandémie. En laissant ainsi libre cours à une fureur répressive qu’elle jugeait cette fois justifiée, la gauche diplômée, y compris libertaire, a offert un précédent inespéré à ses adversaires. » (Restreindre la liberté d’expression pour protéger la démocratie, La passion d’interdire, 1er juin 2024).

De fait, ce désir de restreindre la liberté d’expression pousse la population dans les bras de ceux qu’elle croit combattre. La victoire de Donald Trump & associés en est aussi la conséquence. « Twitter, ça fait partie, et je pense que c’est le sommet, des critères de pénibilités de ma fonction politique. Dans mon quotidien, c’est un critère de pénibilité et de souffrance. » Mais de quoi rêve la secrétaire nationale des Verts ? D’une cour? Demain, c’est à nous qu’ils s’en prendront. Ils en fantasment déjà.

Vincent Cheynet, ex-rédacteur en chef de La Décroissance.

Notes et références

1. L’Enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes, Climats, 2006.

2. Orwell anarchiste tory, Climats, 2020.

3. Reporterre, 26 avril 2024.

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