XIXe siècle, vers un monopole de la santé

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CHIMIE, PHARMACIE ET MÉDECINE : TROIS HISTOIRES ENCHEVÊTRÉES À L’AUBE DU XIXe SIÈCLE Bien que nous soyons plus d’un siècle après Molière, les médecins traitent toujours les malades par des saignées, des vésications, des traitements à l’arsenic, des purges (dépurative, laxative, vomitive) au moyen de remèdes complexes. La médecine(1) est donc toujours brutale et concentrée sur une idéologie de l’extraction : extraire le mal du malade. Les remèdes, préparés par les apothicaires(2), contiennent souvent un très grand nombre d’ingrédients, d’origine végétale et animale (chair de vipères, castoreum(3), racines de plantes, plantes entières, poudre de minéraux, etc.) comme la poudre fébrifuge purgative(4) ou la thériaque(5), deux exemples très représentatifs de l’époque (leurs compositions varient en fonction des lieux, des années et des préparateurs, mais il y a eu par exemple jusqu’à 75 ingrédients différents recen …
Notes et références
  1. Référence ici à la médecine communément admise par le corps médical de l’époque. Il est toujours utile de rappeler que l’autorité scientifique académicienne ou universitaire n’est pas forcément représentative de l’ensemble des pratiques et des savoirs.
  2. Nommés progressivement pharmaciens au cours des XVIIIe et XIXe siècles.
  3. Formé par la transformation cornée et la desquamation de l’épithélium qui tapisse les glandes situées à proximité de la queue du castor.
  4. La distribution des remèdes du roi de 1750 à 1789, Thèse Q. Gravier, 2016.
  5. F. Chast, La thériaque à l’époque moderne, in Revue d’histoire de la pharmacie,
    368, 2010.
  6. Plantes officinales.
  7. Rapport d’information n° 727 (2017–2018), Sénat français, Les plantes médicinales et l’herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d’enjeux d’avenir.
  8. Recherche complexe et mystique sur le lien entre la matière et l’âme, « une science universelle […] qui devait assurer la purification de l’âme et la conquête d’un bonheur spirituel parfait », A. Guillaumont à propos de « l’alchimie » de Serge Hutin, 1981.
  9. Bernadette Bensaude-Vincent et Isabelle Stengers, Histoire de la chimie, Ladécouverte, 2002.
  10. Des herboristes et des pharmaciens : autopsie d’une relation complexe, I. Bost, Histoire, médecine et santé, 14, 2018.
  11. Il est cocasse de parler de potions peu alléchantes (vipère, castoreum) des médecins du XIXe siècle qui font référence à celles des effrayantes sorcières que l’on représente aujourd’hui dans l’imaginaire de l’enfance. Historiquement, les sorcières telles qu’elles étaient présentées au Moyen-Âge semblaient plutôt être les herboristes de l’époque, c’est-à-dire qu’elles soignaient par les plantes et se distinguaient justement des médecins.
  12. Reprenons ici les mots (traduits) de Tschirch qui posa que « par pharmacognosie, nous entendons la science qui a pour tâche d’établir la connaissance sur tout ce qui concerne les médicaments d’origine végétale ou animale sous tous leurs aspects, à l’exception de l’effet physiologique, de les décrire avec exactitude et de donner une vue générale et logique de cette connaissance », Tschirch A. (1909) Handbuch der Pharmakognosie, Erste Abteilung, Leipzig, Verlag von Chr. Herm. Tauchnitz, 3.
  13. Dits aussi « principes immédiats » ou « radicaux composés organiques », cf. Stengers & Bensaude-Vincent, Histoire de la chimie.
  14. Michel-Eugène Chevreul, Un savant, des couleurs !, Roque, Bodo et Viénot, https://books.openedition.org/mnhn/454
  15. F. Chast, « La découverte de la quinine par Pelletier et Caventou », in Revue de biologie médicale, 356, septembre 2020.
  16. Les médicaments oubliés – la thériaque, 1893.
  17. M. Ruffat, 175 ans d’industrie pharmaceutique française, Histoire de synthélabo,
    La découverte, 1996.
  18. La culture du pavot en Maine-et-Loire sera sévèrement réglementée, janv. 1972, in Le monde ; « En France, 12.000 hectares de pavot cultivés », sept. 2013, Le monde ; « Une culture très encadrée », janv. 2013, in Le Parisien.
  19. Journal of Applied Botany and Food Quality, 82, 2009.
  20. C. Fredj, « Pour l’officine et pour l’usine. La France et le commerce du quinquina
    au XIXe siècle », in Revue d’histoire moderne & contemporaine, 66, 2019.
  21. F. Chast, « Les colorants, outils indispensables de la Révolution biologique et
    thérapeutique du XIXe siècle », in Revue d’histoire de la pharmacie, 48, 2005.
  22. A. Frogerais, « L’aspirine en France, un affrontement franco-allemand », in
    Revue d’histoire de la pharmacie, 381, 2014.
  23. « Au temps des barons voleurs », sept. 2002, in Le Monde diplomatique.
  24. L. Tournès, « La fondation Rockefeller et la naissance de l’universalisme philanthropique américain », in Critique internationale, 35, 2007.
  25. « Georges Vincent, président de la Fondation Rockefeller, signe une convention avec l’ULB, la Ville de Bruxelles et son Conseil des Hospices. Celle-ci assure le financement par la Fondation d’une nouvelle faculté de médecine boulevard de Waterloo, la reconstruction de l’hôpital Saint-Pierre et l’édification sur le site de cet hôpital d’une école d’infirmières annexée à l’ULB, l’École d’Infirmières Edith Cavell1-Marie Depage », source : https://bib.ulb.be/fr/documents/digitheque/ personalia/jules-bordet/biographie/la-fondation-rockefeller-et-la-nouvellefaculte-de-medecine ;
  26. Il est intéressant de relier ce phénomène à celui de Bill Gates. À ce titre, voir le documentaire Arte : l’Afrique, les OGM et Bill Gates.

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